Un modèle à puissance non entière pour représenter la complexité d’une propagation virale: application au COVID-19


En préambule…

 

Soucieux de montrer que l’EEA peut aider à répondre à des problèmes d’actualité relevant d’autres communautés scientifiques, nous proposons, ici, une approche visant a modéliser simplement la propagation du COVID-19, et ce, en tirant profit des outils développés dans nos disciplines pour représenter au mieux les systèmes et phénomènes complexes.

Conformément à la vidéo mise en ligne sur le réseau des électroniciens, le non-entier qui représente bien la diversité, permet de surmonter simplement le dilemme masse-amortissement en mécanique et le dilemme degré de stabilité-précision en automatique, la mise en défaut de ces dilemmes étant d’ailleurs à l’origine de la suspension et de la commande dites CRONE (Commande Robuste d’Ordre Non Entier). D’ailleurs, pour en savoir plus à ce propos, vous pouvez toujours accéder à la conférence filmée le 12 Avril 2017 dans le cadre de la journée “Culture scientifique autour de l’acquisition et de l’automatique”.

Mais l’aventure dans le domaine singulier du non-entier ne s’arrête pas là. En effet, si le non-entier régit bien les phénomènes de diffusion en physique, nous venons de montrer (par une étude amorcée lors du premier confinement) que le non-entier régit tout aussi bien les phénomènes de propagation virale en épidémiologie, exprimant ainsi un pas qui n’est pas de trop dans l’unification de l’ensemble de ces phénomènes: https://modcov19.math.cnrs.fr/prepublications/2021_03_21_victor (*)

Plus précisément, la contribution réside dans un modèle de propagation virale qui s’avère d’une simplicité remarquable, voire quelque peu insolente. Il est vrai qu’il ne possède que trois paramètres, mais dont l’un est un paramètre de haut niveau, à savoir une puissance non entière, m, qui est supérieure ou inférieure à un selon que l’épidémie s’aggrave ou s’améliore.
Qui plus est, dans le papier, ce modèle est doté d’une structure interne qui, à travers une action autofiltrante, permet de montrer la compatibilité entre une complexité interne et une simplicité globale.

Après avoir accédé au papier proprement dit, un balayage rapide des figures 9 à 15 permet d’en savoir plus en quelques minutes:
– la figure 9 donne l’évolution réelle du nombre total des contaminés du 1 mars au 1 octobre 2020 (soit sur 7 mois);
– les figures 10 à 14 qui correspondent à un découpage en 5 périodes, permettent de mesurer la représentativité du modèle proposé (relation(13));
– enfin, la figure 15 où le modèle est utilisé en prédiction, permet d’apprécier quantitativement l’intérêt du confinement débuté le 17 mars (jour 17 sur la figure) et terminé le 10 mai (jour 71 sur la figure).

Alain Oustaloup
Professeur émérite à Bordeaux INP


Présentation de la Vidéo (du 12 avril 2017)

Partie 1

Partie 2


(*) : Source : Modèle à puissance non entière (ou fractionnaire) d’une propagation virale : application au COVID-19

OUSTALOUP Alain (Univ. Bordeaux, CNRS, IMS UMR 5218, Bordeaux INP/ENSEIRB-MATMECA), LEVRON François (Univ. Bordeaux, CNRS, IMB UMR 5251, Bordeaux INP), VICTOR Stéphane (Univ. Bordeaux, CNRS, IMS UMR 5218, Bordeaux INP/ENSEIRB-MATMECA), DUGARD Luc (Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Grenoble INP, GIPSA-Lab)

https://arxiv.org/abs/2102.13471

Ce papier propose un modèle mathématique déterministe très simple, qui, en utilisant une loi de puissance, est un modèle à puissance non entière (ou fractionnaire), ou modèle FPM (Fractional Power Model). Un tel modèle, en puissance non entière du temps, soit t^m à des constantes près, permet de représenter quotidiennement, avec une bonne précision, la totalité des contaminés. Bien qu’enrichi par de la connaissance à travers une structure interne basée sur une suite géométrique « à raison variable », le modèle (dans sa représentation non entière) ne comporte que trois paramètres, dont la puissance non entière, m, qui, selon sa valeur, détermine à elle seule une aggravation ou une amélioration de la propagation virale. Sa simplicité provient de la loi de puissance, t^m, qui exprime  simplement la dynamique singulière de l’opérateur de dérivation ou intégration non entière, de grande compacité paramétrique, qui régit les phénomènes de diffusion et, comme montré dans ce papier, les phénomènes de propagation par contamination. Le modèle proposé est en effet validé avec les données officielles du Ministère Français de la santé sur la propagation du COVID-19. Utilisé en prédiction, il permet de bien justifier le choix d’un confinement, sans lequel la propagation aurait fortement empiré. La comparaison de ce modèle en t^m avec deux modèles connus ayant le même nombre de paramètres, montre bien que sa représentativité des données réelles est meilleure ou plus générale. Enfin, dans un contexte plus fondamental et notamment en termes de complexité et de simplicité, une action autofiltrante permet de montrer la compatibilité entre la complexité interne que présentent la structure interne et son comportement stochastique, et la simplicité globale qu’offre, de manière déterministe, le modèle en t^m : comme quoi, la puissance non entière d’une loi de puissance est bien un marqueur de la complexité.


Idée précise de la contribution

 

Tout système réel présente naturellement une organisation interne qui le réalise ou le synthétise, par exemple physiquement ou chimiquement. Cette organisation ou structure interne, conditionne les grandeurs caractéristiques du système. Dans une approche systémique relevant de la théorie des systèmes, ces grandeurs sont représentées par des variables internes et externes qui dépendent de paramètres structuraux et qui figurent généralement dans un schéma fonctionnel.
Aussi, s’inscrivant dans une telle approche, l’idée de l’article est de proposer un modèle global en loi de puissance, de la forme A+Bt^m, de nature à représenter la dynamique des phénomènes complexes, et de le doter d’une structure interne, explicative, conforme à une réalité quotidienne (de nature comptable).
Plus précisément, concernant la nature d’un tel modèle, l’objectif est d’introduire une structure interne (ou modèle explicatif) qui, à travers chacun de ses termes (voir ci-après), représente bien l’enregistrement quotidien des nouveaux contaminés et qui, à travers l’ensemble de ses termes (donc globalement), donne l’évolution réelle du nombre total des nouveaux contaminés, à savoir l’évolution que le modèle est censé représenter.

Permettant ainsi de formaliser le procédé d’enregistrement quotidien des nouveaux contaminés, et de représenter jour après jour le nombre de tous les nouveaux contaminés, la structure interne est définie, mathématiquement, par la somme, sk, des k+1 premiers termes d’une suite géométrique “à raison variable”, soit :

u0+u0 q1+u0 q1 q2+⋯+ u0 q1…qk, avec u0 , qk>0 ,

qk étant le rapport des nouveaux contaminés entre deux jours consécutifs k-1 et k.
Alors que le terme général de la suite, uk=u0 q1…qk, représente le nombre des nouveaux contaminés enregistrés au jour k (u0 étant relatif au jour 0), la somme, sk, associée à la suite, représente la somme des nouveaux contaminés enregistrés du jour 0 au jour k ou, plus simplement, la somme des nouveaux contaminés au jour k.
A travers les produits des qk et la somme des uk de l’expression de la structure interne, sk, qui confèrent un double effet autofiltrant à la structure, les fluctuations aléatoires que peuvent présenter les différents rapports, qk, ne perturbent pratiquement pas la somme, sk, ou plus précisément le résultat de la somme. Ainsi, le modèle qui est censé représenter l’évolution de cette somme (ou plus précisément de son résultat), peut être un modèle essentiellement déterministe, justifiant ainsi la nature du modèle proposé dans l’article. Si la structure interne permet donc d’expliquer le caractère déterministe du comportement global, elle permet aussi d’expliquer la forme en t^m de ce comportement : avec sa façon comptable de capturer une réalité bruitée, ce type de structure permet en effet, par analogie, d’inscrire le comportement global dans une classe de phénomènes complexes régis par une loi de puissance.
Issu du domaine du non-entier ou plus précisément du comportement de l’opérateur d’intégration fractionnaire, et particulièrement important en modélisation des systèmes et phénomènes complexes, le modèle proposé est bien un modèle déterministe. Mathématiquement, il est défini par une fonction affine de la loi de puissance, t^m. Cette fonction possède donc trois paramètres, parmi lesquels m est un paramètre déterminant ou « de haut niveau », qui détermine, à lui seul, une progression (convexité) ou une régression (concavité) de l’épidémie, selon qu’il est supérieur ou inférieur à un.